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24/06/2015

Des biomatériaux étudiés comme isolants du tuffeau

Des biomatériaux à base d’argile et de végétaux pourraient constituer un isolant idéal dans les maisons de tuffeau. Ce produit est à l’étude.
La solution est peut-être là, sous nos pieds, sous nos yeux, à portée de main. Depuis deux ans, agriculteurs, élus locaux et artisans réfléchissent à la façon de fabriquer des biomatériaux pour la construction. Cela a commencé avec le projet Soleil porté par le groupe de développement agricole Loches-Montrésor pour valoriser les cannes de tournesol. L'idée est alors de valoriser ces tiges de tournesol inutilisées après leur coupe comme biomatériau. Déjà, l'université François-Rabelais de Tours, et la communauté de communes Loches Développement s'étaient intéressées à cette valorisation de ce « déchet » de la production agricole.
Le tuffeau n'aime pas les isolants modernes
L'idée a fait son chemin. Une nouvelle étape vient d'être franchie, avec le recrutement d'un étudiant doctorant, Yoann Brouard, par le laboratoire de mécanique et rhéologie de l'université de Tours, sous la responsabilité du professeur Mohan Ranganathan. « Je travaille depuis 40 ans sur les biomatériaux, explique ce dernier. Nous voulons développer un nouveau matériau biocomposite pour les bâtiments. C'est un projet nouveau pour notre laboratoire ». Le projet Biocomp est ainsi sorti de terre. Plutôt de l'argile. Il s'agit d'étudier la pertinence d'associer des coproduits végétaux à l'argile. Facile à dire. Il reste à trouver les bons dosages entre les taux d'argiles et les résidus de tournesol, colza ou miscanthus. A terme, ce biomatériau pourrait être adapté dans la réhabilitation de bâtiment comme isolant intérieur avec un très faible impact carbone. « Dans le Lochois, il existe des maisons de terre de plus de 400 ans. Les matériaux modernes sur le marché font souvent mauvais ménage avec le tuffeau », indique Pierre Louault, président de Loches développement.
Éric Julien est artisan dans le bâtiment à Tauxigny. Il s'est spécialisé dans ces isolants naturels. « Le tuffeau est une pierre tendre, une vraie éponge qui régule l'humidité intérieure et extérieure. La problématique est d'isoler ces bâtiments sans le dégrader. La laine de verre par exemple crée de la condensation. Les pierres se désagrègent derrière les isolants », observe-t-il. Depuis dix ans, il teste de manière empirique des isolants à base de paille de maïs, de blé, de miscanthus, d'argile, de chaux, avec le bon vouloir de ses clients… Mais il lui manque le produit garanti avec une qualité stable, reproductible, qui pourrait être posé par tout artisan. Or, de toutes les normes existantes dans le secteur du bâti, le biomatériau en cours d'étude reste à ce jour hors norme. C'est donc à cette tâche que Yoann Brouard s'attelle pour sa thèse de trois ans. Il expérimente les propriétés de cet alliage entre déchets de culture végétale et les trois types d'argiles fréquentes dans le sol lochois, afin de « voir celle qui a le plus de performance mécanique ». « Au final, le but sera de vendre cet isolant en mélange ou sous forme de sachets », note-t-il. C'est aussi tout l'enjeu de cette recherche pour Loches développement, qui mise sur l'émergence d'une nouvelle filière locale autour de l'écoconstruction.
Biocomp : qui fait quoi ?
  • >Le laboratoire de mécanique et rhéologie de l'université de Tours coordonne le projet Biocomp, travaillant sur « Les technologies de l'efficacité énergétique pour la construction et la rénovation des bâtiments », sujet de la thèse de Yoann Brouard. Il travaille avec le laboratoire Prisme de l'université d'Orléans qui apporte son expérience sur les propriétés d'usage et de dégradation des fibres végétales.
  • Loches développement met actuellement en place une filière d'écoconstruction qui repose sur la fabrication d'agromatériaux locaux, l'accompagnement des entrepreneurs du bâtiment et l'amélioration du bâti du territoire.
  • La société Éric Julien (Tauxigny), spécialisée dans la maçonnerie en matériaux naturels depuis 10 ans, apporte son savoir-faire empirique.
  • Le conseil régional apporte 200.000 € sur les 550.000 € nécessaires à ce programme de recherche, dans le cadre des appels à projets d'intérêt régional. Xavier Roche-Bayard 
Source La Nouvelle République

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